lundi 8 juin 2015

LA FILLE DU TRAIN de Paula Hawkins




Sonatine Éditions
380 pages
21 euros


Résumé :

Depuis la banlieue où elle habite, Rachel prend le train deux fois par jour pour aller à Londres. Le 8 h 04 le matin, le 17 h 56 l’après-midi. Chaque jour elle est assise à la même place et chaque jour elle observe, lors d’un arrêt, une jolie maison en contrebas de la voie ferrée. Cette maison, elle la connaît par cœur, elle a même donné un nom à ses occupants qu’elle voit derrière la vitre. Pour elle, ils sont Jason et Jess. Un couple qu’elle imagine parfait, heureux, comme Rachel a pu l’être par le passé avec son mari, avant qu’il ne la trompe, avant qu’il ne la quitte. Rien d’exceptionnel, non, juste un couple qui s’aime. Jusqu’à ce matin où Rachel voit un autre homme que Jason à la fenêtre. Que se passe-t-il ? Jess tromperait-elle son mari ? Rachel, bouleversée de voir ainsi son couple modèle risquer de se désintégrer comme le sien, décide d’en savoir plus sur Jess et Jason. Quelques jours plus tard, c’est avec stupeur qu’elle découvre la photo de Jess à la une des journaux. La jeune femme, de son vrai nom Megan Hipwell, a mystérieusement disparu…




L'avis de Dup :

Il m'aura fallu quelques jours de digestion avant de pouvoir parler de ce roman, parce que mine de rien c'est un gros morceau bien dense à avaler !

Le premier tour de force que fait l'auteur, à partir d'une intrigue somme toute banale, la disparition d'une jeune femme, c'est de créer un véritable page turner par la simple force de construction de son roman. Paula Hawkins va mêler trois narratrices qui se racontent au présent alors qu'elles ne se situent pas dans la même période. Chaque chapitre les concernant est découpé en journées, elles mêmes comprenant deux périodes, le matin puis le soir. La construction est à la fois hypnotique et déroutante. Trois narratrices qui cumulent les défauts et pas des moindres, chacune étant instable, mais pas pour les mêmes raisons. Chacune ayant sa béquille, peu glorieuse souvent.

Rachel est une jeune femme à la dérive, qui suite à une dépression a sombré dans l'alcoolisme. Rejetée par son mari Tom, virée de son boulot, elle maintient un semblant d'illusion pour sa logeuse en continuant à prendre le train tous les jours pour Londres, comme si elle allait travailler. Il y a des travaux et un feu sur cette ligne. Le train s'arrête au même endroit, à l'aller comme au retour, et Rachel observe toujours le même couple qu'elle a baptisé Jess et Jason. C'est un quartier qu'elle connait bien, ayant habité à quelques maisons de là avec son ex mari. Et puis un jour c'est un autre homme qui embrasse Jess. C'est un choc pour Rachel, mais l'électrochoc va survenir le lendemain, lorsque sera annoncé dans les journaux la disparition de "Jess". Rachel ne pourra faire autrement que de mettre son grain de sel dans l'enquête.

Rentre en scène alors Megan, la Jess de Rachel. Elle raconte sa vie de couple avec Scott (Jason), ses hauts et ses bas, bien loin du film romanesque que s'en faisait Rachel. Son récit remonte un an avant les émois de Rachel et va nous amener jusqu'à sa disparition.

Et c'est passé un bon tiers du livre qu'intervient également Anna, la nouvelle femme de Tom. Anna est une femme compliquée, qui n'appréciait sa relation avec Tom que lorsqu'elle était interdite. Or aujourd'hui Anna se retrouve mariée avec un enfant et sa vraie vie est loin de ce qu'elle s'imaginait. Anna qui est fière d'avoir "piqué" Tom à Rachel, mais qui vit très mal le harcèlement de cette dernière. Car sous l'emprise de l'alcool Rachel se lâche souvent, fait ou dit des choses qu'elle regrette le lendemain...quand elle s'en souvient.

Le second tour de force est d'appuyer son roman sur Rachel, un personnage principal aussi peu sympathique, voire méprisable. Elle détient pas mal d'éléments de l'enquête, mais elle est loin d'être un témoin fiable... Ivrogne patentée, elle ne se fait pas confiance elle même. Mais elle s'implique, creuse, et se dévoile petit à petit. L'auteur arrive à nous faire souffrir avec son personnage principal, à espérer avec elle. Comme Rachel, on oscille entre espérance et réalité, on titube comme dit si bien Cajou ! Et comme elle, on devient voyeuse de ces vies qui s'étalent sous nos yeux.

Sans actions trépidantes, sans coups de théâtre ni rebondissements remarquables, ce roman reste captivant jusqu'à la fin. Les profils psychologiques des personnages sont creusés à la perfection, l'alcoolisme est abordé frontalement, sans fioritures ni exagération. C'est une lecture très dérangeante, mais qui reste toujours en deça des limites pour qu'on ne la qualifie pas de malsaine. Un premier roman d'une force incroyable, une auteur de plus que je suivrai dorénavant.


13ème roman à inscrire à mon challenge "Les dames en noir"
initié par Zina




3 commentaires:

Zina a dit…

Je l'ai lu ce weekend. Et c'est marrant comme on peut avoir des ressentis différents, je n'ai pas trouvé ce livre "dérangeant" pour ma part mais je suis tout à fait d'accord sur le côté prenant. Moi qui mets 3 plombes à lire le moindre truc en ce moment, là je l'ai plié dans la journée ^^
J'ai toutefois vu arriver la solution à des kilomètres ;)

Léa Touch Book a dit…

Je l'ai beaucoup aimé, non pas du fait de son intrigue (car j'ai vite deviné) mais par son côté page turner efficace et aussi par ses protagonistes. Rachel est une véritable anti-héroïne ! :D

Dup a dit…

Oui, comme beaucoup, on devine assez vite le "vilain" et cela ne m'a pas dérangé du tout. Au contraire d'ailleurs, je m'appliquais à voir comment l'auteur masquait ses indications. C'est le côté voyeuriste par procuration qui m'a dérangée, c'est remarquable je trouve que cette auteur ait réussi à m'impliquer autant :)